Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/19

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convocation des électeurs. Il pouvait le faire par une déclaration à la tribune, par un message aux maires, par une affiche du gouvernement. Aucun désaveu formel ne fut proféré, aucun avis n’avait paru à l’Officiel portant que, si les parisiens persistaient à voter le 26 mars, il ne serait tenu nul compte de leur vote considéré comme illégal, et prévenant le public que les maires, co-signataires avec le Comité Central de l’accord et de l’appel aux électeurs, seraient désavoués.

La perfidie de M. Thiers, cherchant seulement à gagner du temps pour rassembler des troupes et préparer son attaque, ne fut connue que plus tard. Aucun citoyen, adversaire ou partisan du Comité Central, en allant déposer son bulletin à la section de vote, n’eut le soupçon que ce bulletin serait annulé par la suite. Chacun, dans les deux partis, crut à la régularité de la convocation et du vote. Même par les élus qui ne tardèrent point à donner leur démission, l’élection était considérée comme valable. En démissionnant, ne reconnaissaient-ils pas avoir été légalement élus ? Paris se trouvait donc, le 26 mars, pourvu d’une assemblée régulièrement nommée par le suffrage universel et remplaçant un comité provisoire, issu du suffrage restreint des bataillons fédérés de la garde nationale. Cette assemblée aux pouvoirs encore indéterminés avait au moins les droits et l’autorité d’un conseil municipal, et sa légitimité comme corps électif constitué ne pouvait être contestée. M. Thiers cependant continuait à lancer des regards malicieux sous ses lunettes, en étudiant la carte des environs de Paris, avant de donner les ordres suprêmes aux généraux avec lesquels il conférait durant de longues heures, indifférent au vote des parisiens, et feignant d’ignorer que la cité rebelle avait prétendu se donner un conseil municipal.