Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/194

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présence des hommes sous les armes, elles ordonnaient la reprise du combat. Elles ne purent dépasser l’enceinte fortifiée, dont on avait sagement fermé les portes.

Cette cohue de femmes glapissantes représentait cependant l’opinion générale, et leur voix houleuse était celle de la majorité de la population. L’affaire du matin, la reconnaissance manquée, était d’un résultat beaucoup plus fâcheux que l’échec lui-même. Les pertes matérielles étaient à peu près insignifiantes. Mais la répercussion morale de la déroute était grave. D’abord, elle avait ravi M. Thiers, rassuré l’Assemblée, flatté les généraux, rendu confiance aux soldats. Pour un début, c’était un coup du sort. Cette première journée de choc n’avait cependant aucunement démoralisé les gardes nationaux, ni ébranlé les convictions et les espérances. Au contraire, elle les avait plutôt ravivées et affermies. L’extraordinaire agitation de Paris dans la soirée, la descente des faubourgs en armes, et le rassemblement, la mise en marche des bataillons dans la nuit, comme l’initiative des généraux Bergeret, Eudes, Duval, Flourens, décidant une nouvelle sortie, le lendemain, sans que la Commune l’eût approuvée, en fournissent la démonstration.

L’insuccès de la reconnaissance du dimanche 2 avril eut, pour ceux qui voyaient plus nettement la situation et la raisonnaient, une conséquence inquiétante. Il révéla d’abord l’illusion profonde des optimistes, qui avaient cru que les versaillais ne résisteraient pas au premier choque les troupes ne tiendraient pas, lèveraient la crosse en l’air et renouvelleraient la débandade du 18 mars. Une partie de la population s’abusait ainsi. Il fallut revenir à une conception plus réelle des choses. L’armée de Versailles, sans être entièrement prête, était réorganisée. Ce n’étaient plus les hommes, épuisés et indisciplinés,