Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/22

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d’incapables et de médiocrités, dont la présence et l’autorité vouaient à l’échec le gouvernement tombé en leurs mains. Richelieu et Napoléon, ne disposant que des mêmes moyens militaires et enfermés comme eux dans une cité sans secours extérieur possible, eussent été impuissants et vaincus, comme l’ont été Rossel et Delescluze. Tout dépendait du succès des armes, qui, les premiers jours passés, devenait problématique, puis fut impossible. La Révolution du Dix-Huit mars a été vaincue, parce qu’elle a laissé passer l’heure de la victoire. Il est dans les insurrections, comme dans toutes les batailles, un instant psychologique dont il faut savoir profiter. Le Comité Central ne sut pas.

Non seulement le Comité Central, pouvoir absolument maître de Paris, et qui ne pouvait rencontrer aucune résistance intérieure sérieuse, dès le 19 mars ne songea pas à tirer avantage du désarroi moral des adversaires de la Révolution, de la fuite de M. Thiers, de la situation pour lui si favorable de la France sans gouvernement, avec la possession de Paris, mais il parut avoir cette unique préoccupation de proclamer finie l’insurrection. Or elle commençait seulement. On cessa le combat avant qu’il ait eu lieu. Les membres du Comité Central avaient hâte de quitter le rôle d’insurgés. Ils voulaient se montrer des citoyens aptes à gouverner selon les modes traditionnels ; ils cherchaient à renouer les traits cassés de l’attelage gouvernemental. Ils s’efforçaient de remettre sur pied, sous le vieil harnachement administratif et parlementaire, l’équipage du passé, changeant seulement les conducteurs, prenant leur place, en invoquant les formes légales. C’était aller au devant de la catastrophe.

Pouvait-elle être évitée ? Peut-être, mais à la condition que l’obstacle versaillais eût été d’abord brisé ou écarté. Il fallait aussi que la démocratie départementale, n’ayant pas