Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manières distinguées, la physionomie noble et avenante. La flamme de l’apôtre luisait dans ses yeux clairs ; un front précocement dénudé de penseur dominait son visage franc et martial, et, comme un dôme imposant, couronnait l’ensemble majestueux et doux de cette tête, temple d’intellectualité et de bravoure. Le peintre Picchio, qui, avant de brosser largement de vastes scènes révolutionnaires, comme le Triomphe de l’Ordre, la Mort de Baudin, et le Fossé de Queretaro, avait dû, lors de ses débuts difficiles, fournir à un marchand de la rue Saint-Sulpice des tableaux religieux, disait, au café de Madrid : « Flourens, mais j’ai fait son portrait dix fois ! c’est lui que j’avais dans l’esprit, au bout du pinceau, quand j’avais à peindre Saint-Martin ! » Gaston Da Costa a dit aussi, en s’inclinant devant sa noble dépouille : « Pauvre Flourens ! je vois encore son beau, calme et souriant visage, son grand front rayonnant, la bonté et l’intelligence, tête superbe et puissante, qu’un sabre stupidement féroce a fendue en deux, comme un tronc »

Gustave Flourens, malgré sa fortune, n’eut point la jeunesse désœuvrée et fêtarde des fils de famille. Ce fut un austère dès les premières années, un ascète laïque passionné pour la science, brûlant de la foi révolutionnaire. La République fut sa seule maîtresse. Ce jeune homme sobre, chaste et laborieux, en qui Victor Hugo semble avoir deviné et dépeint, dans une vision merveilleuse, son Enjolras de l’Epopée rue Saint-Denis, avait rapidement obtenu les diplômes scientifiques et acquis aussi de l’autorité parmi les savants, conquête plus difficile. Aussi personne ne put trouver déplacée sa nomination, à titre temporaire, à la chaire que son père occupait au Collège de France. Il avait alors vingt ans. Sa leçon d’ouverture sur l’Histoire de l’Homme, corps organisé, attira l’attention du monde scientifi-