Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/267

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poussérent Gustave Flourens à s’écarter de la route, à se séparer de ses compagnons et à s’en aller au hasard, dans la campagne, puis à chercher asile dans l’auberge auprès de la Seine. Il était accablé par la défaite. Il en calculait la portée, et le découragement l’avait envahi. L’effarement de ceux qui l’avaient suivi, les injustes reproches, leurs cris stupides : « Nous sommes trahis, nous sommes vendus ! » tant de fois entendus durant la guerre des prussiens, lui ôtèrent son énergie accoutumée, et sa vigueur morale parut l’avoir abandonné, la lassitude physique s’ajoutant à la dépression en cet instant critique. Il s’éloigna donc machinalement, toujours accompagné du fidèle Cipriani, au hasard, cheminant lentement, silencieux et pensif, comme un somnambule dans un rêve incohérent. Un gîte hasardeux se rencontre, alors il s’y blottit, harassé. Il ne pensa point qu’il pouvait être pris et massacré dans cette ratière, ou, si l’idée lui en vint, il l’accueillit sans épouvante, peut-être, avec une résignation indifférente. Il s’était dirigé vers cette auberge isolée, un peu dans le même état d’esprit où devait par la suite se trouver Delescluze, qui, après les invectives et les soupçons des gardes du pont levis de la barrière de Vincennes, s’en fut au devant de la mort à la barricade du boulevard Voltaire. Pauvre Flourens !…

Le récit de Cipriani, avec l’autorité qu’il tire du caractère de celui qui l’a fait, et de sa situation exceptionnelle de témoin unique des événements, mérite d’être considéré comme seul exact et complet, en y ajoutant toutefois des rectifications de détail, comme le nom du misérable qui dénonça la retraite des deux vaincus, comme la situation de la maison du crime, et les circonstances atroces du coup de sabre.

Le témoignage de Cipriani a été recueilli et donné en