Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettre irritée contre le procès-verbal visant les incidents survenus à propos de l’arrestation de Faltot et de plusieurs de ses collègues du conseil de la 17e légion, et aussi à la suite de l’élection de Jaclard[1] :

Les membres de la Commune qui l’ont signé, dit Rousseau, n’ont pas conscience de ce qu’ils ont fait. Ils ne connaissent pas les premiers mots des statuts de la Fédération. La garde nationale a fait la révolution du 18 mars, pour avoir son entière autonomie, elle entend la conserver.

J’ai lu hier une note de vous, invitant le citoyen Jaclard à se présenter à votre burcau. Dites, je vous prie, à ce citoyen, de la part du Comité, qu’il n’a été nommé qu’à titre provisoire ; que le conseil de légion du 17e use de son droit, en provoquant une élection (le commandant Muley avait été nomme chef de légion), et qu’il ferait beaucoup mieux de s’y soumettre que de vouloir s’imposer par un petit Brumaire.

Les trois délégués qui se succédèrent au ministère de la guerre, Cluseret, Rossel, Delescluze, subirent, non sans

  1. Victor Jaclard, professeur, né à Metz en 1843. Il avait fait des études de médecine, mais ne put obtenir le diplôme de docteur, car, mêlé au mouvement révolutionnaire du quartier latin sous l’empire, il fut un des délégués au congrès de Liège en 1865, y prononça des cours véhéments et fut, au retour, l’objet d’un arrêté d’expulsion de la Faculté de Médecine, avec Germain Casse, Regnard, Aristide Rey et quelques autres des orateurs du congrès. Il appartenait au groupe blanquiste et s’était affilié à l’Internationale. Nommé commandant du 138e bataillon pendant le siège, il participa au 31 octobre. Il fut, au 8 novembre, élu adjoint au maire du 18e arrondissement. Il obtint 60,000 suffrages à Paris aux élections de février, Colonel de la 17e légion (Montmartre-Batignolles) il combattit énergiquement jusqu’à la dernière heure. Fait prisonnier et conduit à l’Orangerie, il parvint à s’évader et se réfugia eu Russie. Il avait épousé la fille d’un général russe. En Russie, il donne des leçons de mathématiques, et envoya des correspondances aux journaux français. Revenu en France, à l’amnistie, il collabora à « la Justice » de M. Clemenceau. La Commune avait nommé sa femme membre de la commission d’instruction dans les écoles de filles. C’était un homme instruit, brave et d’une grande douceur de caractère ; avec sa barbe noire et longue, sa haute stature, ses lunettes, son maintien réservé, le colonel de la 17e légion avait l’aspect d’un de ces « herr doctor » d’léna ou de Heidelberg, qui, entre deux leçons, commandent des compagnies et font manœuvrer des canons. Il est mort à Paris, il y a une dizaine d’années.