Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/299

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comme dans un créneau, la pointe de leurs fines ombrelles dardée vers les prunelles effarées de ces pauvres femelles, qu’on ne songeait pas encore à qualifier de pétroleuses. Ce fut le spectacle d’un repas de fauves, la fête d’une ménagerie lâchée. Mais il ne faut pas calomnier les tigres : ils ne déchirent la proie que pour la manger, et ils n’ont pas l’instinct de l’insulter avant.

Pour ne pas être soupçonné d’exagération, en évoquant ces faits à jamais déshonorants pour ceux qui les ont commis, et aussi pour ceux qui les ont tolérés, nous mettons sous les yeux du lecteur de bonne foi, ignorant ces hontes ou indifférent à raison du temps écoulé, un tableau entre vingt qu’on pourrait reproduire. Il a été tracé par un écrivain contemporain, très hostile à la Commune, grand admirateur de Thiers, auprès de qui il avait ses petites entrées. M. Léonce Dupont[1], spectateur et peut-être aussi, bien qu’il ne s’en vante pas, approbateur silencieux de ces scènes de sauvagerie :

Une des choses que l’on aimait beaucoup à aller voir c’était l’arrivée des convois des prisonniers. Ce spectacle nous était donné à toute heure du jour. On se rendait sous les grands ormes de l’avenue de Paris : on se promenait ou l’on s’asseyait sur les banquettes. On ne tardait pas à voir paraître, à l’extrémité de l’allée principale, non loin de la barrière de Viroflay, une masse confuse s’avançant dans un pêle-mèle de cavaliers et de chariots. La poussière, soulevée par les pas des gens et des chevaux, entourait d’une sorte de nuée flamboyante ces groupes éclairés par

  1. Léonce Dupont (François de Sales), publiciste, né à Lavrat (Lot-et-Garonne) en 1828, ancien professeur, correspondant militaire du Pays, collaborateur d’Hippolyte Castille à l’Esprit publie, rédacteur à la Revue contemporaine ; pendant la guerre il dirigea l’édition du Constitutionnel, à Tours et à Bordeaux. A publié d’intéressants Souvenirs sur les gouvernements de Tours et de Bordeaux, et sur Versailles pendant la Commune. Nous avons cité à plusieurs reprises son dernier ouvrage, utile à invoquer Comme témoignage d’un écrivain très réactionnaire, fort Opposé aux hommes de 1871, mais observateur attentif et narrateur suffisamment sincère.