Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/301

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bales. Autant en a emporté le vent et l’oubli. On peut aisément imaginer le vocabulaire et les épithètes qui accompagnèrent le pitoyable défilé. Mais il reste des témoignages écrits de la façon dont furent qualifiés les vaincus des combats d’avril, par d’autres que par cette populace élégante des rues de Versailles. On peut se faire une idée de l’aménité des propos de passants, sortis de la foule, par la reproduction de ceux qui furent tenus et imprimés, en dehors de cette haie anonyme. En voici deux exemples pris au hasard :

D’abord le ministre de l’Intérieur Ernest Picard, dit, dans une dépêche officielle envoyée aux préfets, le 4 avril 1871 :

La cavalerie qui escortait les prisonniers a eu la plus grande peine, à son centrée à Versailles, à les protéger contre l’irritation populaire. Jamais la basse démagogie n’avait offert, aux regards affligés des honnêtes gens, des visages plus ignobles.

Le lieutenant-colonel Hennebert, dérogeant à la tradition des soldats français de ne pas insulter ceux qu’ils ont battus, et qui auraient pu les battre, dit en reproduisant le texte même des expressions du gracieux et honnête Ernest Picard :

Nos troupes firent alors plus de 1,500 prisonniers, et l’on put voir de près le type des misérables qui, pour assouvir leurs passions de bêtes fauves, mettaient de gaité de cœur le pays à deux doigts de sa perte… La plupart étaient âgés de 40 à 60 ans, mais il y avait des vieillards et des enfants dans ces longues files de hideux personnages ; on y voyait aussi quelques femmes. Le peloton de cavalerie qui les escortait avait grand’peine à les soustraire aux mains d’une foule exaspérée. On parvint cependant à les conduire sains et saufs jusqu’aux Grandes Ecuries. Là, les interrogatoires commencèrent par devant le commandant Thenet, grand Prévôt de l’armée et, faut-il le dire ? la tenue des prison-