Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/332

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de la pluie sur les toits. Elle se complaît à improviser des diversions qui deviennent des fêtes. La population ouvrière du XIe arrondissement, dans les premiers jours d’avril, alors que la préparation des régiments revenus d’Allemagne que M. Thiers se disposait à mettre en ligne laissait quelque répit aux bataillons de service aux tranchées, se plut ainsi à organiser une fête locale, vraiment imprévue.

On se rendit, comme en partie de plaisir, riant, chantant, se poussant, avec femmes et enfants, vers une petite rue au renom longtemps sinistre, la rue de la Folie-Regnault, non loin du Père-Lachaise, derrière les prisons de la Roquette. La, soigneusement clos par une porte charretière lourde et sombre, rarement ouverte, s’étendait un étroit et long hangar, prenant jour d’en haut par des vitres poussiéreuses. À de certaines époques s’introduisait discrètement dans ce local mystérieux, avec un compagnon, un homme d’allures paisibles, qui semblait être un entrepreneur du voisinage. Tout le jour, avec son ouvrier, l’entrepreneur travaillait avec ardeur. On percevait du dehors un bruit de meule en rotation. Par instant, des coups sourds, espacés, précédaient un choc comme si l’on fendait du bois, avec un grincement léger de poulie manœuvrée. Puis l’entrepreneur et son aide s’éloignaient, la besogne sans doute finie. Ne parlant à personne, tous deux disparaissaient dans le faubourg, comme des gens ayant à se cacher, venant de faire un mauvais coup. La porte charretière, vers minuit, ce scir-là, se rouvrait, laissait pénétrer un grand fourgon attelé ; des lanternes éclairaient l’ouverture du hangar, puis plusieurs hommes coiffés de casquettes, vêtus de longues blouses, entraient avec le même entrepreneur entrevu durant la journée. Celui-ci portait alors un costume noir et était coiffé d’un chapeau haut de forme. La porte était refermée vivement et l’on semblait besogner hâtivement,