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parents, avait à peine entrevu son père, et avait dû subir l’influence du milieu maternel, hostile. Blanqui fils était marchand de vins en gros, à la Ferté-sous-Jouarre, capitaine de pompiers de sa commune et tout dévoué au gouvernement impérial. Avec sincérité, ne voulant point passer pour un fils dénaturé, pensant au contraire agir selon les convenances et la morale courante, il offrit l’hospitalité à son père, libéré pour quelques mois, après l’amnistie de 1859. Il mit toutefois une condition qui rendait la proposition inacceptable. Il entendait que Blanqui renonçât à la politique ; autant valait lui demander de renoncer à la vie. « À quoi bon vivre, a dit Juvénal, si l’on doit perdre ce qui fait le prix de l’existence. » Blanqui reprit donc sa vie d’isolé, en attendant qu’une nouvelle poursuite le ramenât dans une prison, son habitat familier, sa seconde patrie.

Comme les campagnes pour un troupier, les captivités pour ce soldat de la Révolution nombraient les années. Blanqui n’a pas eu besoin de laisser de « Mémoires » : pour connaître sa vie, il n’y a qu’à consulter les registres d’écrou. La nomenclature de ses détentions, c’est la table des matières du livre de son existence d’homme, à la fois aventureuse et monotone. Son enfance, par l’internat strict, eut l’avant-goût de la prison. Bon élève au lycée de Nice, puis au lycée Charlemagne à Paris, gardé comme « bête à concours » pour le compte de l’institution Massin, il remporta tous les prix, puis devint répétiteur. Il put collaborer à quelques feuilles d’opposition, participa aux manifestations de la jeunesse des écoles, s’affilia à la Charbonnerie : le voilà dans la politique, dans la bataille. Il prend le fusil en 1827, sous la Restauration, est blessé d’une balle au cou, à la barricade de la rue Saint-Denis. Plus tard on le retrouvera au premier rang des combattants de 1830. Il reçoit la croix de juillet. Il fait ses débuts comme prisonnier en 1832, il