Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/230

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que, de son côté, elle semblait l’observer à la dérobée, non sans quelque intérêt. Il n’était pas quelconque, et il méritait qu’on fît attention à lui, pensa-t-il, avec vanité. Cette avantageuse hypothèse accéléra le travail de sa cervelle, où l’amour neuf, primesautier, pénétrait, sans crier gare ! et en bousculant tout.

Quel chimiste, dans un creuset subtil, analysa-t-il jamais assez complètement les sentiments humains, pour pouvoir nous donner la composition de la distillation des parties sensuelles, intellectuelles, volitives, ou purement instinctives, qui forment ce composé qu’on appelle l’amour ? Des philosophes matérialistes ont prétendu que l’instinct de l’être, que le désir de perpétuer la race, et l’obligation pour la femme et pour l’homme de se joindre, en vue d’accomplir les fins de la nature, qui sont la continuation de l’espèce, avaient la part décisive dans ce qu’on nomme la sympathie, l’attraction, le désir, le choix, l’irrésistible penchant. L’homme et la femme, mis en présence, seraient attirés uniquement par le sentiment impérieux, le plus souvent inconscient, de l’être dont ils portent le germe en eux, et qu’ils doivent produire par leur réunion.

La sélection spéciale qu’ils feraient de tel sujet rencontré expliquerait ce phénomène de l’identité amoureuse, cette préférence si violemment exclusive qui aboutit à ce négatif résultat, que bien souvent un amant s’abstiendra de tout commerce charnel, deviendra improductif, et sera comme atteint d’impuissance, ne pouvant accomplir l’acte sexuel avec la personne élue. Parfois mourra-t-il sans vouloir être satisfait et consolé par d’autres femmes, à peu de chose près pourtant, aimantes, désirables pareillement, et physiologiquement semblables à celle qu’il veut, et qui lui échappe. C’est ce peu de