Aller au contenu

Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elle l’aima à première vue, et que l’union, aussitôt projetée, décidée, s’annonça comme un véritable mariage d’amour.

Verlaine a raconté comment la rencontre de cette jeune fille avait bouleversé sa vie. Un cyclone moral. Le jour même de la première entrevue, ses habitudes furent si troublées qu’il oublia, au café du Delta, où Charles de Sivry l’avait rejoint, de déguster sa purée verte ordinaire ! L’amour supprimant l’apéritif ! Ce miracle ne devait pas se renouveler.

Verlaine quitta Paris alors. Il partit précipitamment, soit pour donner un autre cours à ses idées, soit pour raisonner l’amour naissant dont il se sentait envahi. Il s’en fut dans le Nord, son refuge, sa consolation, et d’où il m’écrivit ce petit mot rapide, car il s’était mis en route sans avertir personne :


Fampoux, chez M. Julien Déhée (Pas-de-Calais), près Arras.

Très-souffrant subitement, parti non moins vite. Lettre de ma mère à mon chef. Plus tard détails, ou retour prompt, suivant réponse attendue.

Pense aux Forgerons. Écris-moi. Porte-toi bien.

Ton dévoué.

P. Verlaine.
4 juin 1869.


Dans le calme de la campagne, il se raisonna, classa ses idées, se tâta le pouls moralement, se reconnut très amoureux, jugea qu’il avait raison de l’être, et brusquement, peut-être sous l’influence de quelque chope inspirative lui donnant du courage, il écrivit à Charles de Sivry une longue lettre. Cette missive n’était pas dans les règles des accords matrimoniaux. Elle se trouvait peu conforme au protocole d’ordre privé usité, en pareilles circonstances, dans les familles. Verlaine, à son cama-