Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/238

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dit et lui suggéra de ces hypothèses, de ces imaginations et de ces combinaisons de visions, de situations, comme l’ivresse en construit. Ces suppositions devenaient pour lui une réalité. À force d’envisager certains faits rapproches, juxtaposés, échafaudés de toutes pièces, on tinit par les admettre réels, Verlaine, dans les solitudes champêtres du Pas-de-Calais, en fumant des pipes, en vidant des chopes, en rôdant par les plaines mornes où déborde la mer des betteraves, et sur les routes mélancoliques bordées de colzas, pratiqua la théorie indiscutable, établie par les savants de l’école de Nancy, l’autosuggestion.

Le résultat fut qu’il devint réellement amoureux, et qu’il trouva tout simple de ne point être repoussé a priori, et d’être aimé, désiré, comme il désirait, comme il aimait.

Alors commença pour lui une nouvelle série d’autosuggestions. Charles de Sivry vint le trouver à Fampoux, lui apportant la réponse favorable, déjà promise, et par l’amoureux tenue pour accordée. Il lui confirma son premier avis : sa mère et sa sœur étaient disposées à accueillir la demande de M. Paul Verlaine, mais il fallait cependant laisser le temps de la réflexion, et puis il était nécessaire de connaître l’avis de Mme Verlaine mère, car Paul avait oublié de l’avertir de ses projets matrimoniaux. Ensuite, pendant deux mois, la famille Mauté allait séjourner chez des amis, en Normandie. Au retour, « on verrait ». Alors on parlerait sérieusement, définitivement.

Cette semaine, passée en compagnie de Charles de Sivry, qui, pour se distraire, tenait l’orgue le dimanche, et jouait ses improvisations à l’église de Fampoux, des airs de ballet et des chœurs d’opérettes, ne fit qu’augmenter le désir de Paul de donner suite à la demande, puis-