Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/261

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naires et athées. Il y avait en lui les talents d’un poète ironiste et les aspirations désordonnées d’un anarchiste.

Pendant la guerre allemande, au lendemain de Sedan, entraîné par cette humeur vagabonde qui devait plus tard l’attirer au Harrar et en Éthiopie, il vendit ses livres reçus en prix, et, ainsi muni d’argent, il voulut se rendre à Paris. Mais, avec une finasserie naïve et maladroite, désireux d’économiser ses faibles ressources, et supposant qu’il parviendrait à se glisser inaperçu parmi les wagons, en gare d’arrivée, comptant sur son audace et se plaisant à braver règlements et obligations, il ne prit son billet que pour la première station après Charleville. Il continua, sans hésiter, le voyage jusqu’à Paris.

À la gare de l’Est, il fut arrêté comme voyageur sans billet. Il se trouvait sans répondants, sans papiers ; il avait l’air d’un véritable échappé de maison de correction. On le conduisit au Dépôt. Farouche, dédaigneux, il refusa de répondre à toutes les questions qui lui étaient posées sur son origine, sur sa provenance, et sur les motifs qui l’avaient décidé à monter en chemin de fer, fuyant une autorité ou un endroit qu’il ne voulait faire connaître. Cachant le nom de ses parents, se tenant coi, en promenant à droite et à gauche des regards sournois, il parut fort suspect à la police. On le conserva, et du Dépôt on l’envoya à Mazas. Une instruction fut ouverte. Il se décida cependant, après plusieurs jours de détention, à citer le nom d’un de ses anciens professeurs, M. Georges Isambard, à Douai. Celui-ci, avisé par l’autorité, envoya l’argent réclamé pour le billet de chemin de fer, et Rimbaud, relaxé, fut reconduit par des agents à la gare, à destination de Douai, car il était impossible de le