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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/283

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dont elle se détachait. Devenue indifférente à ses projets, à son talent littéraire, à sa naissante renommée, elle ne considérait en lui que les défauts vulgaires. Dans son cœur juvénile et frivole, la désaffection complète grandissait, et le souhait de la liberté, de l’affranchissement, devenait impérieux, dominait tout autre sentiment. Ce fut là le malheur initial, et la jeune femme d’alors, aujourd’hui remariée, respectable et paisible mère de famille, eut une grande responsabilité dans les désordres de l’existence désorbitée du poète ; qu’elle me permette de le lui dire, elle que j’ai connue presque une enfant, quatre ou cinq ans avant la présentation de Verlaine, et à qui je souhaitais de loin, en août 1870, étant sous les drapeaux, le jour de la cérémonie nuptiale, célébrée au son du canon prussien, de rendre heureux, toujours heureux, le pauvre, délicat, sensitif et maladif homme de génie, qui se donnait tout entier à elle. Car il l’aimait profondément ; il l’aima toujours, il n’aima qu’elle, je dois le redire encore, et cet amour, dont la preuve se trouve en tant de passages de ses œuvres, et dans de nombreuses lettres que je possède, devait survivre aux scandales, aux violences des procédures, aux cris de haine, aux imputations calomnieuses, aux articulations diffamatoires, à pis que cela, à une seconde union, contractée et maintenue avec bonheur, sous les yeux envieux et désespérés du poète infortuné.

Loin de moi la pensée de donner tous les torts à l’épouse, froissée, meurtrie, un peu délaissée par instants, et, aux heures de crise, mal conseillée. Les querelles quotidiennes, la nervosité constante, les paroles outrageantes, les menaces même, et les scènes pénibles de toute nature que l’ivresse multipliait, lui rendaient alors la vie commune insupportable, comme disent les papiers d’a-