Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/346

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tant de la force armée, se rendirent en sa compagnie à l’Hôtel-de-ville, l’agent me tenant par le bras, car il n’est que temps de dire que c’était moi l’auteur de l’attentat et de l’essai de récidive, dont l’objet n’était autre qu’Arthur Rimbaud, l’étrange et grand poëte, mort si malheureusement, le 23 novembre dernier [1893]. — Mes Prisons.


Les deux longues phrases de Mes Prisons ne font pas bien voir la scène. J’en ai le récit exact, d’après Mme  Verlaine mère, seule témoin de l’accident, — en réalité, ce ne fut qu’un accident, un tragique hasard, et une impulsive et inconsciente action dans le trouble cérébral de la demi-ivresse, que cette violence, aussitôt regrettée que commise.

La justice belge voulut y chercher les éléments d’un crime.

Elle désirait trouver un criminel, là où il n’y avait qu’un imprudent et un irresponsable, momentanément égaré par l’alcool.

Rimbaud, lâché à Londres, puis revenu à Bruxelles, sur la demande expresse de Verlaine, qui implorait pardon, offrant excuses, regrets, et peut-être promettant une indemnité, avait exigé une somme d’argent, pour s’en retourner à Charleville, ou plutôt en vue d’entreprendre une de ces randonnées dont il était coutumier. Verlaine tenait à la présence de son ami. Il l’avait fait revenir à Bruxelles pour lui tenir compagnie, dans l’espoir de recommencer, à travers les brasseries et les musicos de la capitale du Brabant, ces interminables conversations littéraires, philosophiques, artistiques, arrosées de lambic et de faro, d’absinthe et de genièvre, qui étaient le grand plaisir du poète alcoolisé.

Ici, sans insister, mais afin de bien préciser le caractère des relations des deux amis, affirmons que l’inti-