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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/35

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LA LÉGENDE DE PAUL VERLAINE

Il ne s’agissait pourtant que d’une rixe légère, avec un camarade, Arthur Rimbaud, à la suite d’une libation trop abondante de lambic et de genièvre. Un revolver, imprudemment porté, sottement sorti, et inconsciemment braqué, comme menace et en guise d’argument décisif, partit fatalement, involontairement : la balle écorcha, au poignet, le compagnon. Cette insignifiante éraflure lui eût probablement valu, en France, une huitaine de jours de prison, ou, plus simplement, une contravention de police pour port d’arme prohibée et deux ou trois jours « journées » d’amendes, le maximum, pour violences légères, n’ayant entraîné aucune incapacité de travail.

L’alcool, il est vrai, ce pire démon, selon Edgar Poe définisseur compétent, eut sur Verlaine une influence maligne et lui donna des suggestions pernicieuses. Tempérament « orgiaque et mélancolique », comme il se définissait dans le préambule de ses Poèmes Saturniens, Verlaine, sous l’intoxication alcoolique, éprouvait l’exagération de la personnalité. De là ses fanfaronnades vicieuses indiquées plus haut. Il a toujours été buveur, mais l’ivresse à peu près chronique se développa chez lui à la suite de ses voyages, après la séparation conjugale. Qui saura jamais de quel enfer mental il voulut s’évader en cherchant au fond du verre les sataniques paradis artificiels ?

Ce fut surtout en Angleterre, dans le pays du whisky écrasant et du gin abrutisseur, qu’il s’accoutuma aux ivresses lourdes, aux absorptions debout et précipitées du bar « on draught », aux vivaces exaltations, suivies de torpeurs prolongées. L’éloignement de tout ce qu’il aimait, le foyer conjugal perdu, la terre natale presque interdite, la vie errante en perspective, avec les stations quasi-obligatoires aux débits de boissons, la compagnie