Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/482

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Ce fut une déception profonde pour lui. Il se considéra un peu comme un condamné à qui l’on refuse la réhabilitation, comme un lépreux qu’on veut, après guérison, maintenir en quarantaine. Il prit Paris et le monde en horreur. Il appéta vers les champs silencieux, vers les plaines à perte de vue où l’on se perd, mer, verte ou sombre, dont les vagues sont les sillons, vers le village ensommeillé où l’on oublie, où l’on est oublié. Il voulut non pas partir, mais se dérober, disparaître. La lettre qu’on a lue plus haut prouve qu’il avait dissimulé à tout le monde, à ses plus ordinaires confidents, ses projets d’avenir et sa fuite présente.

Ce qu’il y eut aussi de singulier, dans ce retour aux champs, ce fut le choix de la nouvelle Thébaïde par lui choisie. Il revint dans ce pays des marches de Champagne, où il avait déjà vécu : Coulommes était voisin d’Attigny, de Juniville, le pays des Létinois. Cependant Lucien n’était plus, et ses parents habitaient la banlieue de Paris, à Ivry-sur-Seine. Cette région l’attirait-elle donc si vivement ? Ce n’est pourtant point la sévère et imposante Ardenne, la contrée forestière et accidentée des environs de Bouillon qu’il connaissait bien, qu’il avait célébrée, où il avait des parents. La campagne est plutôt monotone et triste, entre Rethel et Vouziers. Mais ce paysage convenait alors à l’état de son âme. C’était un peu, ce plat et vague terrain champenois, la nature morose de l’Artois où s’étaient éveillées ses premières émotions d’enfant citadin transporté en pleine campagne. Le souvenir, toujours vif, de Lucien Létinois lui fit-il désirer de revivre dans ces champs, où s’était épanouie leur églogue ?

Tous ces éléments divers composèrent probablement son choix. Et puis, ici je suis absolument dans le do-