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Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/71

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ENFANCE

tamment en rhétorique, ses études furent assez bonnes. Le latin l’intéressait fort. Il y fit de grands progrès, et eut, à la distribution des prix, une nomination en version latine, et une autre pour la dissertation française.

Il fit, je puis l’affirmer, une rhétorique suffisamment sérieuse, s’intéressant à cet enseignement littéraire, qui était, donné sous une forme assez large, plutôt conférencière que scolastique. Il soignait les dissertations et les versions qui sortaient de la teneur des devoirs scolaires ordinaires. M. Deltour se laissait aller volontiers à développer des sujets à côté du texte qu’il expliquait. Ainsi, un jour, il ne craignit pas de nous faire la lecture d’une pièce de vers d’un poète fort peu classique, d’un révolutionnaire et d’un romantique : Hégésippe Moreau, lyrique populaire. La pièce était celle du « Souvenir à l’Hôpital », ballade avec refrain mélancolique à la Villon, où le poète, à propos de son devancier, expirant à l’hôpital, fait un retour sur lui-même, pleurniche sa misère, son abandon, maudit son temps et larmoie :


Sur ce grabat, chaud de mon agonie,
Pour la pitié je trouve encor des pleurs…
C’est là qu’il vint, veuf de ses espérances,
Chanter encor, puis pleurer et mourir…
Et je redis, en comptant mes souffrances :
Pauvre Gilbert, que tu devais souffrir !


Verlaine goûtait mal cette poésie geignarde, et plus tard il déclara combien il trouvait peu intéressante l’agonie à l’hôpital. Le souvenir de M. Deltour devait être pour quelque chose dans cette persistante réprobation. Sans avoir été un fort en thème, l’élève Paul Verlaine fut donc un assez bon rhétoricien, et le palmarès témoigne que l’Université sut reconnaître, ici et là, à nous deux, notre jeune savoir et notre aptitude, il est vrai,