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Page:Leprince de Beaumont - Le Magasin des enfants, 1843.djvu/116

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LE MAGASIN DES ENFANTS.

qu’une douzaine de cheveux, et encore ils étaient tous blancs. Absolu laissa cette méchante et laide créature, et courut au palais de Vraie-Gloire, qui venait d’épouser Charmant ; et la douleur qu’il eut d’avoir perdu cette princesse fut si grande, qu’il en mourut. Charmant plaignit son malheur, et vécut longtemps avec Vraie-Gloire. Il en eut plusieurs filles, mai une seule ressemblait parfaitement à sa mère. Il la mit dans le château champêtre, en attendant qu’elle pût trouver un époux ; et pour empêcher la méchante tante de faire du mal à ceux qui s’attachaient à elle, il écrivit sa propre histoire, afin d’apprendre aux princes qui voudraient épouser sa fille, que le seul moyen de posséder Vraie-Gloire est de travailler à se rendre vertueux et utiles à leurs sujets, et que, pour réussir dans ce dessein, ils avaient besoin d’un ami sincère.

MARIE.

Ma bonne amie, je ne trouve pas ce conte si joli que les autres ; car je ne connais pas les gens dont Fausse-Gloire parle aux princes. Je vois bien qu’il me reste bien des choses à apprendre ; dépêchez-vous, je vous prie, de me les enseigner. Savez-vous bien, ma bonne amie, que j’ai plus de six ans ? Je suis déjà bien vieille.

MADEMOISELLE.

Oh ! cela est vrai, ma chère : on est vieille à six ans quand on ne sait rien ; mais quand on s’est appliquée, on est encore assez jeune pour apprendre bien des choses. Nous allons reprendre la géographie ; mais, auparavant, je prie Juliette de me dire ce qu’elle pense du conte que je viens de dire.

JULIETTE.

Bien des choses, mademoiselle. Je pense d’abord que j’ai fait comme le prince Absolu : j’ai pris Fausse-Gloire pour Vraie-Gloire. Je croyais me faire estimer par mon esprit, et je ne savais pas qu’il me rendait haïssable, si je n’étais pas bonne en même temps. Je pense aussi que le prince Charmant ressemble à Pierre-le-Grand, empereur de toutes les Russies, dont j'ai lu l’histoire.