Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/129

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Rejetant les mains qui se reposaient sur lui, M. de Mirecourt se leva, et, promenant de l’une à l’autre un regard où brillait la colère, il répéta d’un ton sévère :

— Un obstacle invincible ! Ah ! ça, que veux-tu, que peux-tu dire, Lucille ? Mais, bah ! continua-t-il avec moins de violence, ce ne sont là que des phrases romanesques et exagérées comme tu as l’habitude d’en faire, à moins sans doute, — et ici son regard s’assombrit ; — à moins qu’Antoinette ne se soit engagée dans une ridicule amourette avec quelqu’un de ces joyeux militaires auxquels on a si cordialement accordé l’entrée de la maison. J’ai entendu parler des coquetteries et des absurdités qui ont cours ici.

— Mon oncle ! mon cher oncle ! lui répliqua doucement madame d’Aulnay.

Cet appel plein de simplicité, fait d’un ton affectueux, calma un peu M. de Mirecourt, mais ne l’empêcha pas de continuer avec fermeté :

— C’est inutile, Lucille, les mots tendres et les regards suppliants ne m’empêcheront pas de dire ce que j’ai à dire. Encore une fois, j’espère que ma fille ne s’est pas oubliée elle-même au point de s’engager dans un amour secret avec quelqu’un de ces messieurs étrangers à notre race, à notre religion, à notre langue.

— Mais si elle en avait agi ainsi, très-cher oncle ? si elle avait rencontré un homme au caractère noble et bon qui, à part l’objection soulevée par sa qualité d’étranger, se serait montré digne, en toute autre chose, d’inspirer de l’affection ?…