Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/326

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pas validement complété, je serais prête à vous suivre jusqu’aux extrémités de la terre ?

— Misérable sophisme ! ricana-t-il d’un air dédaigneux. Non, ce n’est pas pour cette raison-là, mais parce que l’engouement passager qui t’a fait consentir à notre mariage secret s’est évanoui aussi subitement qu’il était venu.

— Veuillez me pardonner si j’interviens — dit en s’avançant le docteur Ormsby, qui était mu autant par compassion pour les souffrances terribles qu’il lisait sur le visage décoloré de la jeune femme, que par inquiétude pour les sentiments anti-chrétiens que le mourant venait de montrer, — veuillez me pardonner si j’interviens, mais ayant moi-même célébré ce mariage qui, hélas ! a été pour vous deux si fertile en chagrins, peut-être ai-je quelque droit à votre confiance mutuelle.

En ce moment, le colonel Evelyn, revenant enfin de la stupeur où l’avait jeté ce singulier dialogue, et s’apercevant en même temps de l’importunité de sa présence en restant témoin d’une entrevue aussi étrange et aussi délicate, sortit sans bruit de la chambre dont il referma la porte avec précaution. Comme il passait dans le corridor, ceux qui s’y trouvaient furent intrigués de savoir ce qui avait pu se passer chez le malade pour émouvoir à ce point la nature de fer d’Evelyn et pour laisser des traces d’agitation si profondes sur une allure d’ordinaire aussi impassible que celle du marbre.

— Puis-je parler, Sternfield ? demanda doucement