Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après un moment de silence, le mourant promena avidement ses yeux autour de lui.

— Où est-elle allée, ma femme, madame Sternfield ? Ha ! ha ! docteur ! — et il riait d’une manière effrayante. — Que je lui donne au moins une fois son titre avant que celui qui le lui a conféré soit retourné en poussière.

— Vous lui aviez dit de s’en aller de suite.

— Mais pourquoi m’a-t-elle écouté ? pourquoi est-elle partie ? Sans doute elle était fatiguée d’un spectacle aussi peu réjouissant que celui d’un lit de mort ; et, ayant fait son apparition, comme dirait madame d’Aulnay, elle s’est prudemment effacée.

— Puis-je l’envoyer quérir ?

— Non, par Dieu ! je me respecte trop pour en venir là. Si elle était restée, cela aurait été pour moi — quoique je n’aime pas à l’avouer, — une consolation, un soulagement.

— Je ne vous ai pas abandonné, Audley, je suis encore ici — dit Antoinette avec timidité, en sortant de sa cachette et en s’avançant vers le lit.

Quelque chose comme une expression de satisfaction se répandit sur ses traits encore imposants dans leur beauté mortelle. Mais, quand elle eut dit : « Cher Audley, puis-je rester à votre chevet ? » — il répondit avec ce ricanement que l’habitude avait fini par rendre familier à sa belle lèvre :

— Puisqu’il te plaît de jouer auprès de moi le rôle de sœur de charité, je ne t’en empêcherai pas : cela m’amuse de te voir me montrer, à mes derniers mo-