Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/338

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doit-elle s’occuper de leurs regards curieux? Il n’en serait pas de même s’ils avaient à lorgner votre belle figure. Rentrez, et appelez-moi quand je pourrai vous être de quelqu’utilité. En attendant, je vais m’asseoir ici.

Le révérend Ormsby lisait encore quand Antoinette rentra. La jeune femme alla se mettre à genoux dans un coin de la chambre et adressa au ciel des prières ardentes pour l’âme qui touchait de si près à l’éternité. Pendant ce temps-là une lourde torpeur s’empara de Sternfield, et quand le chapelain, qui avait fini l’exercice de son ministère, lui adressa la parole, ses réponses étaient confuses et presqu’inintelligibles.

— Je vais vous laisser pour quelques instants, dit le docteur Ormsby en fermant son livre. Je crois, ma chère dame, que vous auriez bien mieux fait d’introduire ici cette femme respectable qui pourrait vous assister. Si notre pauvre Sternfield recouvre ses sens, ce qui n’est pas probable, elle pourrait laisser la chambre dans le cas où sa présence l’incommoderait. Je reviendrai dans quelques heures.

Suivant cet avis, Antoinette fit entrer Jeanne ; mais ne voulant pas courir le risque de contrarier le mourant s’il revenait à lui, elle la fit placer derrière l’écran qui avait déjà servi à la cacher elle-même.

Le temps passait lentement ; aucun autre bruit que celui causé par la respiration saccadée du moribond ne troublait le silence qui régnait dans toute la demeure. Mues par une délicatesse et une bienveillance