Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/340

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son lit. Tout-à-coup il remua, ses paupières allourdies s’ouvrirent et d’une voix faible qu’on avait peine à reconnaître pour celle de Sternfieid :

— Es-tu là, Antoinette ? demanda-t-il.

Une légère pression de main et un mot doucement modulé furent la réponse.

— Déterminée à me voir jusqu’au bout de mon voyage ? Cette fin doit approcher, car ma vue s’obscurcit singulièrement.

— Le crépuscule arrive, cher Audley : ce pourrait être cela.

— Non, mais mon crépuscule à moi ne verra pas d’autres levers du soleil. Eh ! bien, ce n’est pas là la mort d’un soldat ; mais elle aurait pu être pire : au moins, je ne souffre pas.

— Et vous avez eu le temps, cher mari, de vous réconcilier avec Dieu.

— Oui, oui, et de dicter, par-dessus le marché, une lettre d’adieu à mes deux jeunes sœurs qui demeurent dans la petite ville du Warwickshire où je suis né. Ah ! je n’avais pas rêvé, il y a un an, que je trouverais mon tombeau dans les neiges du Canada, et surtout à une période aussi prématurée de ma joyeuse vie. Peut-être aurais-je mieux fait de ne pas exiger de toi cette promesse de secret ; mais tu m’as dit si souvent que notre mariage n’était pas validement complété, que j’ai craint que s’il venait à être connu, tes amis ne te conseillassent de recourir au divorce. En attendant le