Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/55

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Doit-on s’étonner maintenant qu’Antoinette, jeune et sans expérience, exposée de cette façon à des tentations aussi nouvelles et aussi puissantes, apprit des leçons dans une tout autre science que celle des langues, et qu’après ces longues et agréables heures d’instruction elle se laissât entraîner dans une rêverie silencieuse, les joues rouges, les yeux remplis de tristesse et indiquant clairement que quelque chose de plus intéressant que les verbes et les pronoms anglais était l’objet de ses pensées ?

C’était, à proprement parler, le premier beau jour de la saison pour la promenade en traîneaux, car la neige légère qui jusque-là avait annoncé l’approche de l’hiver, tombant sur des chemins et des pavés remplis de boue, avait perdu sa blancheur et formé, en s’incorporant avec le limon liquide, cette détestable combinaison à laquelle l’automne et le printemps nous habituent en ce pays. Cependant, une forte gelée suivie d’une abondante chute de neige avec bientôt rempli de joie tous les amateurs de la promenade en carriole ; et ce jour-là un ciel pur et sans nuage, un soleil brillant qui inondait la terre de lumière sinon de chaleur, ne laissaient absolument rien à désirer.

Devant la porte de la maison de madame d’Aulnay attendait une magnifique petite carriole attelée de deux jeunes chevaux canadiens d’un noir brillant, agitant gaiement leurs têtes ornées de glands et faisant