Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/223

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dans une situation aussi cruelle, aussi exceptionnelle ? Je vous déclare encore une fois que je ne puis supporter cela davantage : je vais tout dire à mon père…

— Et briser ta promesse solennelle, manquer au serment que tu as fait ? interrompit-il. Non, Antoinette, tu ne feras pas, tu n’oseras pas faire cela. Cette promesse jurée sur la croix que tu as reçue de ta mère mourante te lie autant que notre mariage lui-même.

— Mais pourquoi ce secret, pourquoi ce mystère continuels ? Oh ! Audley, c’est mal pour tous les deux : faites-les cesser. Devant Dieu et devant les hommes reconnaissez-moi pour votre femme, tandis qu’il nous reste une chance de bonheur, pendant que nos cœurs ne sont pas encore entièrement séparés l’un de l’autre.

— Impossible, enfant, tout-à-fait impossible.

— Et pourquoi ?

— Parce que — et ses lèvres indiquaient à la fois le sarcasme et l’irritation — parce que je ne suis pas assez riche pour me passer le luxe d’une femme qui n’a point de dot.

— Une femme qui n’a point dot ! répéta-t-elle étonnée.

— Oui. Ne sais-tu donc pas que si nous étions assez aveugles pour révéler notre acte téméraire à ton père, cette confession aurait pour résultat de te faire déshériter immédiatement et que nous aurions pour vivre rien autre chose que l’amour, ce qui est une nourriture fort peu substantielle ? Tu me diras peut-être que