Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/329

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ments, des attentions et de tendres soins que tu ne m’as jamais accordés quand j’étais bien portant.

Elle baissa la tête avec soumission, car aucune des railleries de son mari ne pouvait plus l’émouvoir maintenant. Après un moment de silence :

— Ne feriez-vous pas mieux de dormir ? demanda-t-elle. Je vais veiller à vos côtés. Y a-t-il quelque médecine à administrer ?

— Pouah ! je n’en prendrai aucune : je l’ai déjà dit à Manby. Ma blessure est au-dessus de tout pouvoir humain : pourquoi torturerais-je mon palais avec des potions dégoûtantes ?

Sachant qu’insister plus longtemps serait l’irriter inutilement, elle approcha une chaise de son lit et s’y glissa silencieusement.

Après l’avoir regardée longtemps, il s’écria soudain :

— Ainsi, tu t’es courageusement installée ici comme garde-malade, tu as pris la détermination de tenir ton poste : sais-tu bien ce que va dire le monde, ce que les hommes vont penser de cela ?

— Qu’est le monde pour nous ? répondit-elle avec tristesse. Ne vous en occupez pas, cher Audley ; ne vous tourmentez pas au sujet de ses opinions.

— Ah ! maintenant ce n’est rien pour moi ; mais pour toi, c’est tout. Avant deux heures, la démarche que tu viens de faire sera répétée dans tous les coins de la ville et on en fera des gorges-chaudes fort peu agréables : le beau nom dont tu as jusqu’ici pris un soin si jaloux sera à la merci de tout le monde.