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et à son ami qui ont été mes compagnons de fête.

Délima pâlit. Elle avait assez vu les maux et les horreurs de l’ivrognerie (son père ayant succombé à cette terrible passion) pour frémir de terreur à la pensée d’avoir un ivrogne pour compagnon de ses jours. Le naturel raffiné d’Armand, son horreur de tout ce qui était vice et dégradation, l’avaient bercée dans un rêve de fausse sécurité, d’où elle s’éveillait tout-à-coup avec terreur. Oui elle entrevoyait le précipice au bord duquel elle et son mari se trouvaient, et sa conscience lui soufflait que sa langue de vipère et son humeur tracassière étaient les principales causes qui l’avaient fait succomber à la tentation.

Malgré tout cela cependant, elle se retourna vers lui avec colère et lui dit :

— Comment, as-tu le front de me dire, une pareille chose ? Tu devrais avoir honte de toi. Ah ! je prévoyais quel serait mon sort lorsque j’ai consenti à laisser mes amis et mes parents. Je suppose que tu veux, par ce moyen, me briser le cœur afin de te débarrasser bientôt de moi !

Et elle éclata dans un paroxysme de pleurs.

Il la regarda, et involontairement il fit un nouveau contraste entre sa brusquerie indigne du sexe faible, sa méchanceté et son humeur acariâtre, et la jeune demoiselle qui, quelques minutes auparavant, était là ; et, rapide comme l’éclair, la pensée, lui traversa la tête que l’une semblait être son bon ange