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Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/126

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LE MANOIR DE VILLERAI

nous nous sommes déjà rencontrés. Oserais-je prendre la liberté de demander quel est votre nom ?

— Rose Lauzon, répondit-elle avec embarras.

— Oh ! je le pensais. Quel est celui qui, après avoir vu les traits enchanteurs de la belle de Villerai pourrait jamais les oublier ? quoique mademoiselle soit devenue encore dix fois plus jolie, depuis que j’eus le plaisir de la rencontrer pour la première fois près de la barrière du manoir.

La familiarité du vicomte et ses regards d’admiration déplurent à Rose au point de la faire sortir de sa douceur naturelle, et elle répondit fermement en se dirigeant vers la porte :

— Cette rencontre a été si désagréable pour moi, vicomte, que je n’aime pas à me la rappeler.

— Ah ! il est encourageant pour moi, belle enfant, que vous vous souveniez de tout cela ; mais je prendrai la liberté de faire ce que j’ai fait alors, c’est-à-dire que je vous retiendrai ici jusqu’à ce que j’obtienne de vous soit un petit sourire, soit une bonne parole de votre belle bouche.

— Vous ne prenez pas le bon moyen, vicomte, d’obtenir l’un ou l’autre, reprit Rose, la figure animée autant par la perplexité que par le déplaisir, car de Noraye s’était promptement placé en sentinelle au-devant de la porte, et il la regardait avec une admiration croissante.

Rose n’avait jamais paru si jolie. Le vif carmin de ses joues ; ses yeux expressifs qui tantôt brillaient d’irritation, tantôt s’abaissaient délicieusement devant le regard hardi et ardent fixé sur elle, donnaient à toute sa physionomie une fascination que le blasé de Noraye trouva presque irrésistible.

Oubliant pour un moment son langage indolent et son affection ordinaire, il s’écria subitement avec énergie :

— Ma foi ! Rose Lauzon, vous êtes merveilleusement belle !

Ce compliment sincère irrita doublement celle qui en était l’objet, au lieu de l’adoucir, et elle reprit vivement :

— Merci, vicomte de Noraye, mais ce n’est pas la première fois que vous m’insultez ! Voulez-vous me laisser sortir de cette chambre ?

— Non, pas avant que nous nous soyons compris l’un