Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
LE MANOIR DE VILLERAI

haute voix un chapitre ou deux de cet excellent livre, que M. Lapointe m’a prêté hier. Il nous intéressera, nous instruira et nous soulagera toutes deux, ma chère.

La jeune fille obéit instinctivement ; mais si la tante trouva à cette lecture aussi peu d’amusement que la nièce, ce fut du temps singulièrement mal employé.

Tout à coup Blanche s’arrêta brusquement. Son oreille attentive avait saisi le bruit de clochettes lointaines ; mais, craignant quelque désappointement, elle reprit sa lecture aussitôt.

Cependant le son des clochettes devenait de plus en plus rapproché et de plus en plus joyeux, tintant clairement au milieu d’une atmosphère glacée, et maintenant on ne pouvait plus ni douter, ni hésiter, car elles venaient de s’arrêter devant la porte. En toute hâte Blanche se leva, puis reprit son siège ; aux coups répétés du pesant marteau, elle céda à un sentiment naturel d’embarras, et s’échappa de la chambre.

Un instant après la porte de dehors s’ouvrit, et un jeune homme, grand, enveloppé d’un épais capot de peau d’ours, couvert de la tête aux pieds de neige fondue et de glace, entra dans la salle.

L’entrevue entre madame Dumont et Gustave de Montarville fut amicale, affectueuse ; et le nouvel arrivé, faisant ses excuses, se dépouilla promptement de son paletot.

— Nous vous aurions peut-être reçu ailleurs, Gustave, dit son hôtesse ; mais ici, dans cette même chambre où vous avez pris congé de votre fiancée et de votre future épouse, et dans laquelle vous vous êtes si souvent assis avec nous autrefois, je veux que vous la revoyiez encore. Dans un instant Blanche sera ici, ajouta-t-elle pour répondre aux regards inquisiteurs que jetait Gustave tout autour de lui ; mais si vous êtes trop impatient, excusez-moi pour une minute, je vais aller vous la chercher.

Nous espérons que nos lecteurs ne se hâteront pas de juger notre héros comme un fat, si nous leur disons que sa première action, quand il se vit seul, fut de se lever promptement et de s’approcher d’un miroir qui ornait la cheminée. L’image que réfléchit celui-ci eût suffi pour contenter les plus exigeants. Sa grande mais noble figure portait l’empreinte