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LE MANOIR DE VILLERAI

de madame Dumont, il reprit avec vivacité et d’un ton animé :

— Oui, chère amie ; lors même que je n’aurais pas eu une belle fiancée qui me rappelait au Canada, je serais venu en toute hâte vers ses forêts et ses neiges, afin de tirer mon épée pour sa défense.

Ici une légère rougeur se répandit sur la joue de sa jeune compagne, et l’éclat de ses yeux prouva encore mieux que ces nobles sentiments avaient trouvé un écho dans sa nature féminine, mais franche, ferme et intrépide. Le patriotisme ne se trouve pas seulement chez le sexe fort. L’homme ose, mais la femme endure. Ses affections, l’amour et la haine, meurent avec elle. Sa patience ne se lasse jamais, ses espérances ne déchoient jamais, son courage ne faillit jamais au moment du danger. Ni le feu ni l’eau ne peuvent arrêter les entreprises de la femme, quand son amour la pousse.

La soirée s’écoula rapidement, et madame Dumont, songeant à la sévérité du temps et à l’état impraticable des chemins, offrit à son jeune visiteur l’hospitalité pour la nuit, hospitalité qui fut aussitôt franchement acceptée.


II


Le lendemain matin, le lieutenant de Montarville descendit de bonne heure dans la salle d’entrée, et comme il l’avait espéré, il y trouva Blanche seule. Elle lui donna franchement la main ; mais quand il voulut l’approcher de ses lèvres avec une grâce courtoise, et une galanterie qui avait plus d’une fois été admirée dans les brillants salons de Paris, tout en accompagnant cet acte de quelque délicate flatterie, elle lui dit avec dignité :

— Vous n’êtes pas à Versailles, ni au faubourg Saint-Germain, M. de Montarville. Nous, Canadiens, nous avons des goûts plus simples que ceux de la nation galante et spirituelle de laquelle nous descendons, et nous tenons peu à la flatterie. Et puis, une autre chose, reprit-elle