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LE MANOIR DE VILLERAI

quérir, ma tante, une réputation tout à fait notoire. Nous verrons bientôt des artistes venir prendre le dessin de cette maison, et la foule accourir de toutes les parties de la ville pour la voir.

— Comment cela, Pauline ? dit madame de Rochon avec un certain malaise.

— Quoi ! tout Montréal ne s’occupe ce matin que de votre protégée, mademoiselle Rose Lauzon, et du duel qui vient d’avoir lieu à son sujet entre deux officiers de Sa Majesté.

La seule réponse de madame de Rochon fut un regard de profond étonnement, tandis que Rose, en proie aux terreurs soudaines les plus confuses et les plus poignantes, sentait que ses jambes avaient peine à la soutenir.

— Oui, ma tante, un duel a eu lieu en présence de témoins entre le vicomte de Noraye et le capitaine de Montarville, et l’un des combattants a été blessé.

Rose devint mortellement pâle et s’affaissa sur son siège, incapable de maîtriser son émotion et de cacher sa crainte aux regards cruels froidement fixés sur elle, et ne pouvant cacher l’anxiété où elle était de connaître le sort de Gustave. Pauline et madame Dumont observaient chaque changement qui s’opérait sur sa figure pâle.

— Oh ! si j’avais su que mon récit pût tellement affecter mademoiselle Lauzon, j’aurais été plus sur mes gardes en le faisant, continua la malicieuse héritière de Nevers. Voulez-vous prendre un verre d’eau, mademoiselle ? et elle lui poussa d’un air de moquerie une carafe de cristal qui se trouvait sur la table près de Rose.

— Que signifie, Rose Lauzon, une telle émotion ? demanda madame Dumont avec colère. Qu’avez-vous de commun, s’il vous plaît, avec le capitaine de Montarville, pour vous autoriser à montrer sur sa sûreté personnelle plus d’inquiétude que sa fiancée elle-même, mademoiselle de Villerai ?

— Au nom du ciel, Pauline, sois plus explicite ! s’écria madame de Rochon. Que veut dire tout cela ?

— Cela veut simplement dire, ma tante, que les charmes séducteurs de votre belle protégée ont été la cause d’un duel entre deux gentilhommes d’une haute naissance et d’un rang distingué. Ne vous ai-je pas prédit ce résultat