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LE MANOIR DE VILLERAI

conduite vous vous proposez de tenir vis-à-vis l’auteur de tous ces malheurs.

La dame à qui ces paroles s’adressaient, paraissant peinée et embarrassée, madame Dumont continua d’une voix plus forte et plus impérieuse :

— Pour vous parler plus clairement, madame, vous ne prétendez pas, je suppose, approuver la conduite honteuse de cette fille artificieuse, en la gardant davantage dans votre maison si respectable ?

— Mais que voulez-vous que je fasse ? demanda la tendre hôtesse. Elle n’a pas de parents, pas d’amis chez qui elle puisse se retirer, pas de demeure.

— Renvoyez-la chez sa belle-mère, répondit durement madame Dumont. Là, elle sera à l’abri des tentations.

— Pardon ; c’est là au contraire que les tentations pourront l’assaillir avec le plus de succès ; de plus, je doute beaucoup qu’elle consente à y retourner.

— Oh ! non, probablement, dit Pauline avec un sourire sarcastique. Elle préférera demeurer à Montréal, où elle trouvera des admirateurs en quantité et pourra créer sensation par les duels qu’elle causera. Vraiment, ma tante, vous allez bientôt acquérir une grande célébrité, mais un peu différente de celle à laquelle vous avez jusqu’ici prétendu. Au lieu de mendiants, d’orphelins abandonnés assiégeant votre porte, vous aurez de brillants officiers, d’élégants cavaliers sollicitant admission et demandant la permission de voir la merveilleuse beauté que vous avez tirée de sa solitude champêtre pour créer sensation dans notre bonne ville.

— Pauline, ton persiflage, sans m’irriter cependant, ne fait que me peiner. Cesse-le, je te prie !

— Mais vous n’avez pas répondu à la question de madame Dumont, persista cette fille hautaine, en fixant sur sa tante un regard déterminé. Après tout ce qui s’est passé ce matin, êtes-vous encore disposée à donner à Rose Lauzon un abri sous votre toit et une place à votre table ? Pensez-vous que si vous le faites, je reviendrai encore dans cette maison respirer la même atmosphère que respire une personne aussi vile.

— Écoute-moi, Pauline, et vous aussi, madame Dumont. Quand, après de sérieuses réflexions, je pris Rose sous ma