que tout espoir sur ce point était aussi futile que celui qu’elle avait entretenu au sujet de de Montarville.
Le lion parisien parla avec indifférence de la fin de la guerre, déclarant qu’à part la disgrâce infligée aux armes françaises, il s’occupait peu de la manière dont elle s’était terminée. La victoire et la défaite lui étaient à peu près indifférentes, pourvu qu’il pût abandonner un pays qui n’était pas fait pour être habité par des gens civilisés, disait-il. C’en était trop pour la patience de mademoiselle de Nevers ; aussi répondit-elle avec le même air d’insolente élégance :
— Je partage tout à fait, vicomte, vos sentiments de satisfaction touchant la fin définitive de la lutte. Un de ses bons résultats va être de nous délivrer immédiatement de cette foule d’aventurieurs français venus ici pour mendier, et qui vont être remplacés par ces magnifiques officiers anglais, qui ont tous, assure-t-on, six pieds de haut, et qui, de plus, sont très galants. Vraiment, ajouta-t-elle avec un sourire de satisfaction qui exaspéra de Noraye au delà de toute mesure, entre nous, mon cher vicomte, il n’est vraiment pas étonnant que de tels héros aient pu si facilement vaincre des adversaires aussi faibles que vous autres, gentilshommes français !
Le vicomte de Noraye n’osa pas hasarder une réponse ; mais il saisit son chapeau, salua profondément sa belle hôtesse et sortit aussitôt, en maudissant les femmes canadiennes autant qu’il avait auparavant maudit les hommes et le pays tout entier.
Pauline avait à peine eu le temps de revenir de sa première irritation après une entrevue aussi désagréable, que l’on annonça l’irrésistible major Decoste. Il entra plein d’hommages, de tendresse et de dévouement, déplorant la chute de toutes les espérances de liberté dans la Nouvelle-France, et regrettant la malheureuse destinée qui le forçait de quitter une contrée qu’il avait appris à aimer, bien plus même que son pays natal, la Provence.
Quel contraste entre cette entrevue et les deux précédentes ! Quel baume consolateur répandu sur la vanité blessée de la jeune fille, par la flatterie empressée, le dévouement amoureux de ce chercheur de bonne fortune !