Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
LE MANOIR DE VILLERAI

certaine, en indiquant sa demeure à cet hardi et insolent capitaine de Montarville.

— Eh bien ! vos efforts ont été inutiles, digne madame Lauzon, répondit le prêtre, qui aimait parfois la plaisanterie ; vos efforts, je le répète, ont été inutiles, car elle est maintenant avec lui. Ils occupent le plus bel hôtel de Québec, et ils se préparent à partir pour la France la semaine prochaine.

Un vif sourire de satisfaction, que nous devons, hélas ! mentionner, illumina la figure de la veuve, et elle répondit triomphalement :

— Ne vous l’avais-je pas dit, M. le curé ? Ne vous ai-je pas prédit plusieurs fois comment tout cela finirait ?

— Je ne me souviens pas, madame Lauzon, que vous m’ayez jamais fait de pareilles prédictions.

— M. Lapointe ! et la femme se leva dans son excitation, et se mit à gesticuler de la manière la plus énergique, comment pouvez-vous affirmer cela ? Ne vous souvenez-vous pas de m’avoir souvent entendus dire dans cette même chambre et dans le salon du presbytère, que la jolie figure de Rose et sa sotte vanité ne tarderaient pas à lui apporter du chagrin, sinon de la honte ? Ne vous ai-je pas dit que le capitaine de Montarville la poursuivait sans cesse de ses attentions, et aussi combien elle était faible et folle ?

— Je me souviens bien de vous avoir entendue dire tout cela, ma bonne femme, répondit le prêtre en prenant une prise ; mais je ne puis me rappeler que vous m’ayez prédit que la petite Rose deviendrait madame Gustave de Montarville.

Madame Lauzon bondit de surprise, comme l’avait fait Pauline de Nevers en apprenant la même nouvelle, et puis elle se tint silencieuse, les yeux rivés sur ceux de son interlocuteur. C’était maintenant pour celui-ci l’heure du triomphe, et un petit air de malice était répandu sur toute sa physionomie.

Oui, elle comprit, elle devina tout. La satisfaction et le contentement répandus dans toute la contenance du bon prêtre, ne présageaient que du bien pour son ancienne favorite, et elle répéta avec étonnement :

— Rose Lauzon mariée au capitaine de Montarville !