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LE MANOIR DE VILLERAI

souriant. Ce sentiment un peu pénible qui commençait à se glisser dans le petit groupe, fut en partie dissipé par l’arrivée de la jolie villageoise, Rose Lauzon, portant dans sa main un bouquet de géraniums et d’autres humbles fleurs domestiques ; car le manoir ne pouvait se vanter de posséder une serre.

Rose s’approcha timidement, mais gracieusement, sans même jeter un regard sur aucun des membres du groupe distingué au milieu duquel elle se trouvait en ce moment ; mais avec une habileté et une promptitude qui montraient bien que les autres décorations de la niche lui étaient dues en grande partie, elle s’occupa d’entremêler ses fleurs avec le vert sombre des sapins. Une fois, en se penchant en avant, la fleur qu’elle tenait à la main tomba par terre. Prompt comme la pensée, de Montarville s’approcha pour la ramasser, et en la présentant à la jeune fille avec la même gracieuse courtoisie qu’il aurait déployée auprès de mademoiselle de Villerai elle-même, leurs yeux se rencontrèrent pour la première fois. Ah ! Rose, gentille et jolie petite Rose ! ne plongez pas trop souvent vos regards dans ces yeux noirs et avides, mais repoussez l’ardente admiration qu’ils expriment, car, que pouvez-vous avoir de commun avec l’illustre de Montarville, l’amant fortuné de la seigneuresse de Villerai ?

En quittant l’église, de Noraye, qui se ressentait encore du vif reproche de Blanche, et qui de plus se piquait d’être tant soit peu philosophe, s’écria d’un ton moqueur, déguisé sous le prétexte de s’instruire :

— De grâce, mademoiselle de Villerai, pourriez-vous me dire quelle intention on a eue en plaçant cette poupée de cire dans un lieu si apparent ? Est-ce pour répandre le goût des beaux-arts parmi le peuple, ou seulement pour le divertir innocemment ?

— Ni l’un ni l’autre, vicomte. Il faut que vous ayez entièrement oublié les leçons que, comme catholique, vous avez dû sans doute recevoir pendant votre enfance ; autrement vous ne manqueriez pas de vous ressouvenir que l’image dont vous parlez est un de ces simples symboles qui instruisent la jeunesse et même le cœur de l’homme mûr plus efficacement que ne le pourraient faire des heures de prédication. C’est le grand mystère du Fils de Dieu