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LE MANOIR DE VILLERAI

vages et les foires annuelles, attiraient à Montréal, non seulement le gouverneur-général, l’intendant, et leurs suites, mais une foule des personnages les plus remarquables du pays. Vendu en 1745, par les héritiers de Ramezay, à la compagnie des Indes, on s’en servit pendant quelque temps comme d’un magasin pour toutes espèces de marchandises, tandis que dans ses voûtes et dans ses caves on entassait les riches fourrures que les chasseurs indiens apportaient de leurs lointaines expéditions et vendaient à des prix très minimes, bien au-dessous de leur valeur. Acheté en 1750 par M. Grant, le château passa ensuite entre les mains du gouvernement et devint la résidence officielle du gouverneur de Montréal.

C’était donc dans cette maison, bien connue de la plupart de nos lecteurs, que M. de Vaudreuil tenait le grand lever auquel toutes les personnes de rang et toutes les beautés de la ville et des environs devaient assister. Ce qui rendait cet événement doublement intéressant pour le jeune de Montarville, c’est que Blanche de Villerai, qui venait d’arriver à la ville avec madame Dumont, devait être présentée, et faire son début dans le monde, dont elle pouvait si bien être un des plus beaux ornements.

Cette soirée importante arriva enfin. La résidence vice-royale était éblouissante de lumières, et quoique les carreaux fussent abondamment chargés de frimas brillants, les pesants rideaux cramoisis qui tombaient jusqu’à terre, donnaient à l’intérieur une apparence de chaleur agréable qui faisait un contraste frappant avec la rigueur de la température au dehors.

La scène était vraiment animée et brillante. Ici, de gais cavaliers murmuraient de douces flatteries aux oreilles de belles demoiselles qui écoutaient et souriaient ; là, de graves hommes d’État et des militaires distingués discutaient des sujets du plus grand intérêt, puisqu’ils touchaient la plupart à l’existence de la colonie elle-même.

Les officiers français, avec leurs brillants uniformes, paraissaient être les favoris des plus jeunes dames de la réunion ; mais tandis que la plupart d’entre eux se tenaient auprès de leurs belles compagnes et s’efforçaient de se rendre le plus agréables possible, trois ou quatre jeunes élégants,