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L’ONCLE BARBE-BLEUE

reprendre nos jeux en plein air. — Nos aventures au grenier ont jeté un froid sur nos projets de comédie, c’était bien la peine d’en tant parler !… Nous avions donc mis en train une grande partie de croquet, Geneviève et moi. (Nous sommes bien plus liées maintenant toutes les deux. « La journée des découvertes », comme dit Geneviève, nous a rapprochées, je lui reconnais toutes sortes de qualités, et elle commence à me pardonner mes cheveux rouges). Marie-Antoinette avait refusé de jouer. La partie était presque terminée. Le sort m’avait mise avec Charlotte, contre Geneviève et Élisabeth. Il ne s’en fallait plus que de bien peu pour que nous deux Charlotte nous avions gagné. Charlotte avait déjà touché le piquet et j’allais y être aussi, quand en croquant la balle d’Élisabeth, mon pied a glissé et j’ai perdu mon tour ; Élisabeth était si contente qu’elle en a touché deux fois sa balle en me croquant, cela j’en suis sûre. Elle aurait dû passer son tour, car c’est contre les règles du jeu, mais elle est si tricheuse ! elle m’a envoyée loin, loin, jusque sous les fenêtres, qui d’après mes calculs, correspondent à la chambre que nous avons entrevue l’autre jour. J’ai couru après ma balle sans y penser, et pendant que je la cherchais sous les arbres où elle avait roulé, j’ai entendu une voix qui disait :

« La petite brune a triché. »

» J’ai levé les yeux et je n’ai vu personne, mais je suis bien sûre de ne pas avoir rêvé ce que je viens de vous raconter. On m’a parlé, et ce n’était ni mon oncle, ni une voix de femme. Ce n’était pas même un domestique, comme vous pourriez-le croire, c’était une voix d’enfant.

» Comment peut-il y avoir un enfant dans les appartements de l’Oncle ?