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L’ONCLE BARBE-BLEUE

— Ce sont d’abord les lettres que l’ancien notaire de votre famille m’a adressées ; Désirez-vous les compulser ?

— Inutile, répondit brièvement M. Maranday.

— Il y avait une assez grande différence d’âge entre vous et vos cousins, continua Me Chatelart, c’est ce qui explique pourquoi vous avez dû fatalement les perdre de vue pendant vos longs voyages.

La prolixité du brave homme arracha à son client un soupir d’impatience.

— La sœur de votre mère, reprit Me Chatelart, avait deux filles ; l’aînée, Madeleine, a épousé un certain monsieur Demontvilliers, qui signe maintenant de Montvilliers en deux mots et mène grand train. Elle n’a qu’une fillette de douze à treize ans, très gâtée, comme toujours en pareil cas — les domestiques ne tarissent pas sur son compte. Elle en fait voir de belles à ses institutrices !… — Ils ont un petit hôtel à Paris et j’ai aperçu Madame et Mademoiselle allant au bois dans leur voiture. Coupé bouton d’or, livrée vert et or, très élégant, mais un peu clinquant… La mère et la fille en grande toilette…

— Bon, fit M. Maranday en écrivant rapidement quelques notes sur son calepin.

— Mes renseignements particuliers me permettent d’ajouter que la position pourrait être moins brillante qu’elle ne le paraît. M. Demontvilliers joue beaucoup à la Bourse, ces dames dépensent gros, et les fournisseurs présentent souvent des notes formidables qu’on ne paye pas toujours. C’est une éducation bien imprudente pour une jeune fille, M. Maranday, surtout lorsque sa dot n’est pas déposée en lieu sûr, ajouta le vieux notaire avec un hochement de tête significatif.