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L’ONCLE BARBE-BLEUE

à se conformer à ses caprices, tous les enfants arrivèrent successivement.

Mlle Favières, grande, mince et d’allure fort distinguée, était faite pour les tranquilliser. Elle n’était pas de la première jeunesse, ce qui ne la rendait que plus respectable, et toute sa personne avait un air de sévérité tempérée par une grande douceur, qui en faisait un mentor parfait pour cette petite bande turbulente. Les mamans les plus exigeantes auraient été rassurées par sa présence.

Mme Maranday, qui ne s’était décidée qu’à grand peine à se séparer de ses filles, poussa un soupir de soulagement en l’apercevant dans la salle d’attente. Arrivée avant les autres au rendez-vous, elle eut tout le loisir d’adresser à Mlle Favières ses recommandations maternelles. Élisabeth était un peu brusque avec sa sœur, Charlotte un peu désobéissante ; c’était la première fois qu’elles étaient séparées de leur mère, les pauvres petites, ce serait dur pour elles… Puis, ne prendraient-elles pas froid sans personne auprès d’elles pour leur nouer un foulard autour du cou en temps opportun, elles étaient si étourdies ! Charlotte avait facilement mal à la gorge, Élisabeth toussait pour un rien…

« N’ayez aucune crainte, Madame, » répondit Mlle Favières en réprimant un sourire, « sans être mère, je sais soigner les enfants, et le climat des environs de Grenoble, où est situé le château de Rochebrune, est certainement un des meilleurs de France. »

Pendant ce petit colloque, Élisabeth et Charlotte, peu accoutumées à voyager, se serraient contre Mme Maranday comme deux oiseaux frileux, n’ayant jamais essayé leurs ailes, et tout effarés à la pensée de quitter leur nid. Elles étaient