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L’ONCLE BARBE-BLEUE

Miss Dora remercia chaleureusement le bon M. Maranday, tandis que son indocile élève, matée pour la première fois de sa vie, les suivait en grommelant :

« Méchante Dora ! me voilà bien, grâce à vous. Je vous déteste !… »

Les autres enfants n’en revenaient pas. Comment une fillette d’un aspect aussi angélique avec sa robe blanche, ses yeux d’azur et ses cheveux éployés sur ses épaules comme une nappe d’or, pouvait-elle se donner ainsi en spectacle à toute une gare !

« Elle est terriblement mal élevée », dit Lolo, oublieux des nombreuses fois où il s’était roulé sur le parquet à la moindre contrariété.

Les deux petites Maranday semblaient pétrifiées d’étonnement. Leur mère profita de l’occasion pour leur adresser un sermon dans les règles sur les dangers de se laisser aller à la colère.

« En particulier sur les voies publiques », ajouta plaisamment Geneviève.

Il fallut se précipiter vers le wagon réservé que l’oncle Isidore avait retenu pour ses nièces, et c’était très heureux qu’il ait eu cette bonne idée, car on eût été bien embarrassé pour caser, à la dernière heure, six personnes dans le même compartiment. Les retardataires couraient effarés sans pouvoir trouver de place, les contrôleurs demandaient les billets, la locomotive annonçait par ses coups de sifflet stridents et répétés que le départ était proche ; chacun échangeait des adieux autour de nos voyageuses, mais elles étaient bien trop absorbées par leurs propres impressions pour faire la moindre attention aux autres.