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L’ONCLE BARBE-BLEUE

mis une lettre tous les huit jours et tu l’auras. J’ai tant de choses à te dire que je ne sais par où commencer. Te parlerai-je du voyage ? ce ne sera pas bien intéressant de te donner un itinéraire détaillé. (Voyez le Guide Joanne en pareil cas). Il suffit de te dire que le trajet a été long, long, long ! J’ai cru que nous n’arriverions jamais. Songe que j’étais seule pour égayer notre wagon. Mlle Favières était grave comme un juge, (il ne lui manquait que la loge), Charlotte et Élisabeth me regardaient bouche bée, riant à se tordre de mes moindres paroles, mais ne m’aidaient en rien. C’était à peu près aussi commode de causer avec elles que de jouer au volant avec un partenaire maladroit qui vous le renvoie toujours de travers. Y a-t-il quelque chose d’aussi insipide qu’une partie de grâces ou de volant dans de pareilles conditions ?… Marie-Antoinette dormait, sous prétexte qu’elle s’était levée trop tôt, et Valentine a une manière à elle de dormir les yeux ouverts qui ne vaut guère mieux pour ses voisines : Comme amusement, c’était modéré.

» Au fait, j’y pense ; tu ne te rappelles peut-être pas les noms de ces deux nouvelles petites cousines. Je te dirai donc, pour que tu ne les confondes pas, que Valentine est celle qui est arrivée à la gare, flanquée de ses quatre frères — comme qui dirait quatre hommes et un caporal, ou la sœur des quatre fils Aymon — et Marie-Antoinette est la petite en blanc qui était si en retard.

» J’ai épuisé pour nous distraire jusqu’à ma dernière cartouche, au propre et au figuré, car les cartouches de chez Boissier étaient délicieuses avec leur crème à la noisette. Nous en avons fait une telle consommation, que la boîte dont tu m’avais munie, comme un amour de Papa que tu es,