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LE COURRIER DE ROCHEBRUNE

« Cher papa, chère maman, cher tout le monde !

» Que je voudrais être auprès de vous ! Si vous saviez combien je me sens seule dans ce grand château isolé ! Je pense tout le temps à ce que vous faites tous, et, le soir, je suis si triste quand je me dis que je ne peux pas aller vous embrasser et border Lolo dans son petit lit, avant de me coucher moi-même !…

» J’espère que je vous manque un peu, oh ! rien qu’un tout petit peu, mais vous — non, vrai, je n’ai pas de mots pour vous dire combien vous me manquez… Et pourtant, c’est bien joli ici et on pourrait y être si heureux !… Que ne sommes-nous encore au temps des fées et que ne puis-je, d’un coup de baguette, vous transporter à Rochebrune. Papa, il y a une grande belle serre attenant au salon. Quel bel atelier j’en ferais pour toi, si le château de l’Oncle était à moi ! Maman aurait son petit salon dans la pièce à côté, une charmante petite pièce vert d’eau. Les meubles sont recouverts de satin d’un vert pâle, pâle, pâle ; les tentures sont du même satin, et le plafond d’un rose si tendre qu’on dirait d’un lever de soleil perpétuel. Une grande glace sans tain donne sur la serre. N’est-ce pas, petite mère, que tu serais bien là pour travailler ? Mais tu ne travaillerais plus jamais si j’étais riche ! Nous ne saurions plus ce que c’est que les bas à repriser, et les jerseys à raccommoder à la maille, et les robes à retourner !…

» La grande belle bibliothèque toute en chêne sculpté, avec ses rayons pleins de livres, tapissant du haut en bas deux de ses murailles, serait une merveilleuse salle d’études pour les garçons. Que de livres, Daniel, si tu savais !… Et