Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/229

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Il en a versé presqu’un demi-flacon sur sa cravate, sur son mouchoir et sur ses manches.

— Danseras-tu ? m’a-t-il demandé.

— Je ne crois pas.

— Je crains qu’il ne m’arrive de commencer la mazurka avec la princesse, et je ne connais pas une seule figure.

— Est-ce que tu l’as invitée pour la mazurka ?

— Non, pas encore.

— Vois qu’on ne te prévienne pas.

— En effet ! a-t-il dit, en se frappant le front ; j’irai l’attendre sur le perron. »

Il a pris sa casquette et s’est enfui.

Une demi-heure après je suis parti. Les rues étaient noires et désertes. Autour de la réunion ou de l’hôtel, comme il vous plaira, la foule s’était amassée ; la lumière venant des fenêtres l’éclairait et la brise du soir m’apportait les éclats d’une musique militaire. J’allais lentement, car j’étais triste.

Est-il possible d’avoir une destinée aussi singulière sur la terre : briser sans cesse les espérances des autres ! Depuis que je vis et j’agis, le sort m’a toujours amené au dénouement des drames d’autrui, comme si, sans moi, personne