Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/249

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aspiré avidement deux fois l’air frais de cette nuit de juin et s’est élancé dans un chemin qui ramène à la ville. J’ai traversé le grand village ; les lumières commençaient à s’éteindre aux croisées ; les sentinelles, placées sur les remparts de la forteresse, et les patrouilles de Cosaques, s’appelaient lentement.

Dans une des maisons du village, placée au bord du ravin, j’ai remarqué un éclairage extraordinaire. Un bruit confus et des cris m’ont fait comprendre que c’était un banquet militaire. Je suis descendu de cheval et me suis approché de la fenêtre. Un volet, qui n’était pas complètement fermé, m’a permis de voir les convives et d’entendre leurs paroles. On parlait de moi.

Le capitaine de dragons, échauffé par le vin, a frappé sur la table avec son poing pour exiger l’attention.

« Messieurs, a-t-il dit, on n’a jamais rien vu de pareil.

Il faut mettre Petchorin à la raison ; ces Pétersbourgeois sont des béjaunes qui se croient quelque chose, parce qu’on ne leur tape pas sur le nez. Ce Petchorin s’imagine qu’il n’y a que lui qui sache vivre dans le monde, parce qu’il porte