Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/296

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mobile, pleurant amèrement, et je n’essayai point d’arrêter mes larmes et mes sanglots. Je croyais que ma poitrine éclaterait ; toute ma fermeté, tout mon sang-froid s’étaient dissipés comme une fumée. Mon âme était sans force, ma raison éteinte, et si quelqu’un m’avait vu en ce moment, il se serait détourné de moi avec mépris.

Lorsque la rosée nocturne et le vent de la montagne eurent rafraîchi ma tête et que mes pensées eurent repris leur cours ordinaire, je compris qu’il était inutile et déraisonnable de courir après un bonheur évanoui. Que m’aurait-il fallu encore ? La voir ? Pourquoi ? Tout n’était-il pas fini entre nous ? Un triste baiser d’adieu n’enrichirait pas beaucoup mes souvenirs et après lui, notre séparation n’en eût été que plus pénible.

Il me restait cependant une consolation, c’est que je pouvais pleurer. Et au surplus, toute cette irritation nerveuse n’avait peut-être pour cause qu’une nuit passée sans sommeil, deux minutes de pose devant la bouche d’un pistolet et le vide de mon estomac.

Tout était pour le mieux ! cette nouvelle souffrance avait, comme on dit en langage militaire, produit en moi une heureuse diversion. Pleurer