Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frait pas qu’on les lui marchandât ; ce qu’il demandait, il fallait le lui donner ; il se serait plutôt fait tuer que de céder. On disait aussi de lui qu’il aimait à rôder au-delà du Kouban avec les Abreks[1].

Sa figure était celle d’un brigand. Il était petit, sec et large d’épaules, aussi adroit, aussi leste qu’un diable. Ses vêtements étaient toujours en loques, mais ses armes étaient montées en argent. On vantait son cheval dans tout Kabarda et réellement il était impossible de trouver rien de meilleur que cet animal. Ce n’était pas sans raison que tous les cavaliers le lui enviaient et que, plusieurs fois, ils avaient essayé de le lui voler, sans pouvoir y réussir. Quand je songe encore maintenant à ce cheval ! Il était noir comme du jais, des cordes pour jarrets, des yeux comme ceux de Béla, et quelle vigueur ! on pouvait faire avec lui cinquante verstes sans s’arrêter ; il était dressé comme un chien qui suit son maître, connaissait sa voix, et ce dernier ne l’attachait jamais ; c’était enfin un vrai cheval de bandit.

  1. Peuplade insoumise et pillarde du Caucase.