Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/47

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Le soir Petchorin s’arma et sortit de la forteresse. Comment ils arrangèrent les choses, je l’ignore, seulement ils revinrent tous deux pendant la nuit et la sentinelle vit qu’une femme était étendue devant la selle d’Azamat. Elle avait les mains et les jambes liées et sa tête était enveloppée d’un grand voile.

— Et le cheval ? demandai-je au capitaine.

— Tout à l’heure !… Le lendemain de grand matin, Kazbitch vint à la forteresse et amena dix moutons à vendre ; après avoir placé son cheval dans l’enceinte, il entra chez moi. Je le régalai de thé, car quoique ce fut un bandit, je le considérais cependant comme une espèce d’ami.

Nous causions de choses et d’autres, lorsque soudain je le vois frissonner et changer de visage ; par malheur la fenêtre donnait sur l’arrière-cour :

— Qu’as-tu ? lui dis-je.

— Mon cheval ! Mon cheval ! dit-il tout tremblant.

En effet, j’entendais un bruit de sabots.

— C’est quelque Cosaque qui passe !

— Non ! hurla-t-il avec rage, et comme une panthère furieuse, d’un bond il s’élança au dehors.