Page:Lermontov - Un héros de notre temps, Stock, 1904.djvu/62

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dait un nuage gris dont le souffle glacé nous menaçait d’un orage voisin ; mais à l’Orient, tout était si clair et si doré, que le capitaine et moi l’oubliâmes complètement, et surtout le capitaine. Dans les cœurs primitifs, le sentiment de la beauté et de la grandeur d’une nature vigoureuse est cent fois plus vivace qu’en nous, qui ne sommes enthousiastes que des conteurs en paroles et sur papier.

— Vous êtes accoutumé, je pense, à ces splendides tableaux ?

— Comme on peut s’habituer au sifflement des balles ; c’est-à-dire à cacher les palpitations involontaires du cœur.

— J’avais entendu dire, au contraire, que pour de vieux soldats cette musique était fort agréable ?

— Cela s’entend : elle est agréable si vous voulez, mais seulement parce que le cœur se fait plus fort ! Regardez ! ajouta-t-il en me montrant l’Orient ; quel pays !

Effectivement ; il me semble qu’on trouverait difficilement un pareil panorama. Sous nous, s’étendait la vallée de Koïchaoursk, sillonnée par l’Arachva et par une autre ri-